Tatiana, heureuse d'avoir déménagé, déchante vite. Dès la première nuit dans son nouvel appartement, le bruit d'un voisin l'empêche de dormir.
      Cela durera un an...

        " Nous avions décidé, mon mari et moi, de changer d'appartement. Nos deux enfants grandissaient et désormais, il nous fallait plus d'espace. Petites annonces, visites dans les agences immobilières, j'emploie les grands moyens pour chercher notre nouveau nid. Un jour enfin, après en avoir visité plusieurs, je trouve l'appartement de mes rêves : spacieux, lumineux, donnant à la fois sur un jardin et sur une petite cour, donc a priori très calme, et qui plus est, à deux pas de l'école des enfants.

Le jour du déménagement, épuisés, nous nous couchons à minuit. Pas de doute, après un sommeil récupérateur, nous serons prêts, dès le lendemain matin, à affronter ce qui attend celui qui change de pénates : rangements, petit bricolage... Or, la nuit ne se déroule pas aussi sereinement que prévu. A trois heures du matin, un énorme bruit de chasse d'eau me réveille - j'en suis certaine, les chutes du Niagara ne sont pas plus bruyantes ! Je me rendors. Une heure après, le même vacarme se reproduit, suivi de pas qui résonnent fortement sur le parquet. Et ce jusqu'à sept heures du matin où l'occupant (ou peut-être l'occupante ? du dessus part en claquant la porte.Il est temps de nous lever : la nuit a été courte. Toute la journée, c'est le calme parfait. Un faux espoir me fait espérer que le vacarme de la nuit passée n'est qu'exceptionnel. Peut-être le locataire du dessus était-il malade ? Impossible de le savoir. Ce que je sais, en revanche, c'est que les mêmes bruits se répètent toutes les nuis qui suivent. Au bout d'une semaine, je me sens épuisée, énervée. J'ai du mal à supporter les enfants, l'énergie me manque pour affronter les tâches quotidiennes : travail, courses, repas...

Un bruit pernicieux

      Renseignements pris auprès de la concierge, le monsieur du dessus -je connais désormais le sexe du perturbateur - est un homme charmant. Il se couche tôt et se lève dès potronminet pour se rendre à l'hôpital où il travaille. Mais un homme aussi affable devrait comprendre que certains bruits gênent les locataires du dessous, surtout la nuit. Je glisse donc une missive très aimable dans sa boîte aux lettres, persuadée que tout va s'arranger.
      Ce soir-là, je me couche confiante. Erreur ! Sans doute piqué au vif, notre voisin du dessus ne sait pas quoi inventer, toujours à partir de trois heures du matin, pour perturber notre sommeil. Excédée, je lis jusqu'au lever du jour dans le salon. Que faire ? Porter des boules Quiès ? Je n'en ai pas envie et je crains

de ne pas entendre les enfants s'ils font un cauchemar ou s'ils sont malades. Déménager ? Nous venons juste de nous installer. Je décide de monter le voir. Un jour où je sais qu'il est présent, je sonne à sa porte. Il refuse d'ouvrir. Cela fait maintenant plus de quatre mois que je vis ces nuits sans sommeil. Je glisse un nouveau petit mot dans sa boîte et un autre sous sa porte. Il ne risquera pas ainsi de les manquer. La riposte, hélas, ne se fait pas attendre : bruits d'eau, déménagement de meubles, aspirateur, il ne sait plus quoi inventer pour nous empêcher de dormir. Je devrais plutôt dire m'empêcher de dormir, car le sommeil de plomb de mon mari est peu troublé par ces nuisances sonores  !
Lorsque je parle de mes problèmes autour de moi, certains compatissent. Eux aussi vivent entourés de voisins sans-gêne qui écoutent de la musique à tue-tête ou font hurler la télévision. Je me rends compte que dans les grandes villes, beaucoup souffrent du bruit. Mais partager les mêmes troubles ne m'aide pas à retrouver le sommeil. Mon équilibre nerveux chancelle. Même lorsque le voisin est absent, je me réveille à trois heures du matin, je finis par guetter les bruits.

Le secours de l'écriture

Il me vient à l'esprit des stratagèmes machiavéliques pour me débarrasser de celui qui perturbe si fortement mes nuits. Impossible, évidemment, de les réaliser. Sauf peut-être dans un livre. Moi qui ai déjà écrit plusieurs romans, pourquoi ne raconterais-je pas mon "enfer" quotidien ? Aussitôt l'idée mise à exécution, je me sens mieux. Mon héroïne, Colombe, me venge de ce que je subis. Aujourd'hui, mon voisin a déménagé. Si je lui en veux de m'avoir volé mes nuits, je dois tout de même le remercier. Il m'a permis, bien malgré lui, d'écrire un livre !"

                Tatiana de Rosnay a publié un roman, Le voisin (éditions Plon)

Elles l'ont vécu aussi

• Instaurer le dialogue

• "Je crois qu'il faut réagir très vite et essayer de discuter avec un voisin un peu bruyant. Sinon, ça devient la guerre et c'est destructeur pour les nerfs. Le mien n'avait pas réagi à mes lettres, à des coups de balai au plafond (un geste qui ne sert qu'à réprimer la personne qui le commet...). Un jour où je suis allée frapper à sa porte, il m'a reproché d'avoir écrit au syndic pour le dénoncer. Ce n'était pas moi, donc j'ai appris qu'une autre personne de l'immeuble s'était plainte... et finalement, ça a porté ses fruits."    (Mireille de Salon-de-Provence)

• Le problème venait aussi de moi

• "Lorsque j'ai perdu mon mari, je me suis mise à ne plus supporter mes voisins. Je crois que c'est parce que j'étais davantage aux aguets de tout ce qui se passait autour de moi. Puis j'ai réalisé que je devais réagir contre cette hypersensibilité aux bruits de l'extérieur, et accepter que la vie continue. Je les ai invités à prendre l'apéritif, en leur expliquant mon problème et ensuite j'ai tout vécu plus en douceur.      (Agatha de Strasbourg)

          Le Dr Claude Leroy, psychiatre et électrophysiologiste, s'est   
          longuement penché sur le bruit et les conséquences qu'il entraîne.


      Le cas de Tatiana de Rosnay est typique : contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce sont les bruits de la vie quotidienne, parfoisles plus banals, qui sont les plus dérangeants. Les bruits de la nature peuvent être très violents, mais qui se plaindra du vacarme des vagues ou du pépiement des oiseaux qui réveille le matin ? En fait, le bruit devient nuisance lorsqu'il vous empêche de vivre normalement, qu'il perturbe votre sommeil, par exemple. Vous pouvez apprécier La petite musique de nuit de Mozart, bien installé dans votre fauteuil. La même musique venant de chez le voisin vous paraîtra insupportable.

      Certaines personnes s'adaptent mieux que d'autres. On a ainsi remarqué que les personnalités "fragiles" étaient celles qui avaient le plus recours aux boules Quiès. Par ailleurs, les jeunes apprécient le bruit : c'est pour eux une manière de s'affirmer. Malheur à celui qui vit à côté ! A moins d'entretenir de bonnes relations de voisinage : on supporte mieux le bruit de gens qui vous sont sympathiques ! En revanche, le moindre aboiement du chien d'un grincheux devient une agression. Avoir de bonnes relations avec ses voisins aide donc à mieux vivre le bruit.

      Autre méthode à tenter avant de déménager (on ne sait jamais si ce sera mieux ailleurs ! : la relaxation. Elle aide à prendre ses distances avec les stress environnementaux, dont le bruit fait partie."

Page précédente